Les fiches techniques juridiques


FICHE F 1.11

janvier 2024

F. Aides financières et à l'insertion

 

Contrat d’emploi pénitentiaire

Présentation

Le travail d’un détenu est formalisé par un contrat d’emploi pénitentiaire auxquels sont attachés des droits sociaux.

Ce contrat remplace l’acte unilatéral d’engagement.

Il concoure à préparer son insertion professionnelle et sociale à l’issue de sa détention en créant les conditions de son employabilité. Les activités proposées sont adaptées à sa personnalité et aux contraintes inhérentes à la détention.

Bénéficiaires et recruteurs

Toute personne détenue qui souhaite travailler doit demander à être classée au travail et à être affectée sur un poste de travail.

Elle peut être recrutée par le service général de son établissement pénitentiaire ou par une entreprise qui propose une activité de production au sein de la prison.

Pour l’exercice d’une activité de production, il peut s’agir :

  • d’un concessionnaire,
  • d’une entreprise délégataire,
  • d’une structure d'insertion par l'activité économique (SIAE),
  • d’une entreprise adaptée (EA, voir notre fiche technique),
  • d’un ESAT (voir notre fiche technique),
  • d’un service public de développement du travail et de l'insertion professionnelle des personnes détenues.

Le donneur d'ordre peut également être une personne morale de droit privé relevant de l'économie sociale et solidaire.

La décision d’affectation sur un poste de travail se traduit par la signature d’un contrat d’engagement pénitentiaire.

Celui-ci doit être accompli sous le contrôle permanent de l’administration pénitentiaire. 

Caractéristiques du contrat

Le contrat d’emploi pénitentiaire n’est pas un contrat de travail. Il doit comporter cependant des clauses analogues :

  • durée de la mission,
  • droits et obligations professionnels de la personne détenue,
  • conditions de travail,
  • rémunération….

La quotité de travail effectif à temps complet est fixée à 35 h/semaine (10 h maximum/jour et 48h maximum/semaine). Le contrat peut également être à temps partiel.

Le contrat peut être conclu pour une durée indéterminée ou déterminée.

Sa durée doit être fixée en tenant compte de la durée de la mission ou du service confié à la personne détenue. Le travail doit être adapté à sa personnalité et aux contraintes inhérentes à la détention.

Un contrat d'emploi pénitentiaire à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente du service, de l'entreprise ou de la structure chargée de l'activité de travail.

Il doit être signé au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant la prise de poste pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire pour :

  • Remplacement d'une personne détenue en cas d'absence ou de suspension de contrat ;
  • Accroissement temporaire de l'activité de travail concernée ;
  • Poste à caractère saisonnier.

Il peut être renouvelé par le donneur d'ordre, par avenant au contrat d'emploi pénitentiaire et après entretien avec la personne détenue.

Il comporte une période d'essai dont la durée ne peut excéder :

  • 2 semaines, pour un contrat de 6 mois maximum, renouvelable dans la limite de 2 mois lorsque la technicité du poste le justifie ;
  • 1 mois, pour un contrat d’une durée supérieure à 6 mois ou indéterminée.

Si le donneur d'ordre est l’administration pénitentiaire, le contrat doit être conclu entre le chef d'établissement et la personne détenue.

S’il est signé dans le cadre d’une activité de production, il doit être conclu entre le détenu et le représentant légal du donneur d'ordre. Il doit alors être complété par une convention signée par le détenu, l’entreprise et le chef de l'établissement pénitentiaire.

Cette convention définit les obligations respectives des signataires.

Lorsque le travail est accompli pour le compte d'une SIAE ou d'une EA, le contrat doit prévoir un accompagnement socioprofessionnel visant à faciliter la réinsertion et en préciser les modalités.

Lorsque le travail est accompli pour le compte d'un ESAT, le contrat d'emploi pénitentiaire précise également les objectifs de l'accompagnement et les modalités du soutien éducatif et médico-social mis en œuvre.

Rémunération

Le bénéficiaire d’un contrat d’emploi pénitentiaire perçoit une rémunération qui est versée, sauf prescriptions contraires du juge de l'application des peines, à l'établissement pénitentiaire qui doit ensuite approvisionner le compte nominatif de la personne détenue.

La rémunération horaire ne peut être inférieure à :

  • 45 % du SMIC pour les activités de production ;
  • 33 % du SMIC pour le service général, classe I ;
  • 25 % du SMIC pour le service général, classe II ;
  • 20 % du SMIC pour le service général, classe III.

Les heures supplémentaires effectuées donnent droit à une majoration de la rémunération, dans la limite d'un contingent annuel de 220 heures.

Des primes liées à la productivité ou à l'ancienneté ou toute autre prime à caractère exceptionnel peuvent être attribuées à la personne détenue par le donneur d'ordre.

Protection sociale

La personne détenue bénéficie des prestations au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès. Elle est affiliée au régime de retraite complémentaire.

Elle peut prétendre également au versement de l'allocation chômage à compter de sa libération ou de la date à laquelle elle bénéficie d'un aménagement de peine, lorsque cette mesure permet la recherche effective d'un emploi.

Pour le travail effectué dans le cadre du service général, l'Etat doit payer les cotisations sur les rémunérations versées au détenu (maladie, maternité, accident du travail...). Lorsque le travail est accompli pour un donneur d'ordre autre que l'administration, les cotisations patronales sont à la charge de celui-ci (sauf assurance vieillesse).

Suspension du contrat d’emploi pénitentiaire

La personne détenue peut effectuer une demande écrite au chef de l'établissement pénitentiaire pour suspendre son affectation au poste de travail. Elle doit préciser les motifs de sa demande ainsi que la durée de la suspension souhaitée.

Le rejet éventuel de cette demande doit est motivée et notifiée par écrit à la personne détenue sous un délai de 5 jours. L’absence de réponse vaut acceptation.

Le contrat d'emploi pénitentiaire peut être suspendu dans le cadre du service général, par le chef de l'établissement pénitentiaire ou, dans le cadre d'une activité de production, par le donneur d'ordre :

  • En cas d'incapacité temporaire de travail pour raison médicale ;
  • En cas de baisse temporaire de l'activité due à :
    - des difficultés économiques conjoncturelles ;
    - des difficultés durables d'approvisionnement en matières premières ou en énergie ;
    - un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;
    - la transformation, restructuration ou modernisation de la structure, du service, de l'entreprise ou de l'établissement pénitentiaire ;
    - toute autre circonstance de caractère exceptionnel.

Néanmoins, lorsque le donneur d'ordre est un ESAT, il ne peut mettre fin au contrat d'emploi pénitentiaire qu'en cas de force majeure.

Des motifs disciplinaires ou liés au maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements pénitentiaires peuvent aussi conduire, à tout moment, l'administration pénitentiaire à suspendre temporairement l'activité de travail ou à y mettre un terme.

Rupture du contrat d’emploi pénitentiaire

Le contrat est rompu lorsque la détention prend fin. Il peut aussi être rompu :

  • D'un commun accord entre la personne détenue et le donneur d'ordre ou à l'initiative de celle-ci ;
  • En cas de transfert définitif du détenu dans un autre établissement (il conserve son classement au travail ;
  • Lorsqu'il est mis fin au classement au travail ou à l'affectation sur un poste de travail (sous conditions) ;
  • En cas de force majeure ;
  • Pour un motif économique ;
  • Pour un motif tenant aux besoins du service (lorsque le donneur d'ordre est l'administration pénitentiaire).

Le donneur d'ordre peut, après avoir mis la personne détenue en mesure de présenter ses observations, mettre fin au contrat en cas d'inaptitude ou d'insuffisance professionnelle ou le cas échéant, en cas de non-respect de l'accompagnement socioprofessionnel proposé.

Dans le cas d’une résiliation pour motif économique, il est interdit de conclure un autre contrat d'emploi pénitentiaire sur le même type de poste pendant 3 mois pour un accroissement temporaire de l'activité.

Apprentissage

Dans le cadre d’une expérimentation en cours, une personne détenue ayant au plus 29 ans révolus et qui exécute une peine de moyenne ou longue durée peut suivre, durant sa détention, des actions de formation par apprentissage dans des établissements pénitentiaires. 

Elle doit signer à cet effet un « contrat d'emploi pénitentiaire en apprentissage ».

Elle peut éventuellement bénéficier d'un aménagement de peine ou d'une permission de sortie pour suivre les enseignements ou exercer son activité professionnelle à l'extérieur de son établissement.

Ce contrat doit être résilié de plein droit en cas de libération avant son terme. Un contrat d'apprentissage ou un contrat de professionnel de droit commun peut alors être signé afin poursuivre l’apprentissage.

Il bénéficie des modalités dérogatoires concernant la durée minimum de 6 mois du contrat, la durée minimum de formation, et le cas échéant sur l’âge maximal requis. Un détenu peut également conclure ces contrats dans le cadre d'une semi-liberté.

Découverte professionnelle

Avant la signature d’un contrat d’emploi pénitentiaire, une personne détenue peut bénéficier d'une découverte en milieu professionnel au sein de l'établissement pénitentiaire pour :

  • découvrir un métier ou un secteur d'activité ;
  • confirmer un projet professionnel ;
  • initier une démarche de recrutement.

Elle peut à cette fin être effectuée au service général ou dans le cadre d'une activité de production pour une durée de 5 jours maximum.

Cette découverte professionnelle doit être prescrite par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, une SIAE, une EA ou un service de l'Etat ayant pour mission de développer le travail et l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice.

La découverte professionnelle peut également être effectuée par la personne détenue au sein d'une structure d'accueil en milieu libre dans le cadre d'un placement à l'extérieur, d'une permission de sortir ou selon les modalités prévues pour le travail à l'extérieur via une PMSMP (voir notre fiche technique).

Compte personnel de formation

La personne détenue qui travaille ouvre des droits au compte personnel de formation (voir notre fiche technique) qui lui permet d'acquérir des droits à la formation mobilisables en sortie de détention ou ultérieurement.

Les droits ne sont ainsi pas mobilisables pendant la détention (sauf exception).

Le CPF des personnes détenues est alimenté en heures, dont le nombre est calculé par référence à une durée annuelle de travail et dans la limite d'un plafond (au prorata pour un temps partiel).

Les heures sont converties en euros lors de la mobilisation des droits.

Les heures sont majorées pour les détenus :

  • qui n'ont pas atteint un certain niveau de formation (décret à venir) ;
  • reconnus handicapés.

NB : L’exercice d’activités bénévoles en détention dans le cadre d'une réserve citoyenne de réinsertion permet de créditer des droits au compte d'engagement citoyen (voir notre fiche technique).

Conclusion du contrat

La personne détenue qui souhaite travailler en détention pour un donneur d'ordre doit adresser à l'administration pénitentiaire une demande de classement au travail.

Le chef de l'établissement, après avis de la commission pluridisciplinaire unique, doit émettre une décision de classement ou de refus de classement au travail qui doit préciser le cas échéant les régimes selon lesquels la personne détenue peut être employée (service général, concession, service de l'emploi pénitentiaire, SIAE, EA, ESAT).

La décision de refus de classement doit être motivée. La personne détenue peut demander un recours.

Lorsque la personne détenue est classée au travail et en fonction des régimes selon lesquels elle peut être employée, elle doit ensuite adresser à l'administration pénitentiaire une demande d'affectation sur un poste de travail.

Après avis de la commission pluridisciplinaire unique et, le cas échéant, suite à la demande d'affectation, l’administration pénitentiaire doit organiser des entretiens professionnels entre la personne détenue et l’employeur concerné.

Suite à ces entretiens et en tenant compte des possibilités locales d'emploi, le chef d'établissement doit prendre, le cas échéant, une décision d'affectation sur un poste de travail.

Une liste d'attente d'affectation doit être constituée dans chaque établissement pénitentiaire.

Le contrat d’emploi pénitentiaire est signé suite à la décision d’affectation.

Dispositions spécifiques aux mineurs

Les mineurs détenus de plus de 16 ans peuvent être titulaires d'un contrat d'emploi pénitentiaire, sous réserve que l'activité de travail ne se substitue pas aux activités d'enseignement ou de formation.

S'ils ne sont pas émancipés, ils doivent avoir l'autorisation de leur représentant légal. Les dispositions générales ci-dessus s'appliquent, mais il existe quelques dispositions particulières.

Notamment, le mineur détenu de plus de 16 ans ne peut pas travailler :

  • plus de 8 heures par jour,
  • plus de 35 heures par semaine,
  • plus de 5 jours par semaine,
  • les dimanches et jours fériés.

Ses horaires de travail doivent prévoir le temps nécessaire pour le suivi d’une scolarité ou d’une formation professionnelle, ses repas, ses repos et autres activités (socio-éducatives, sport, promenade...).

Les mineurs sont aussi éligibles à la découverte en milieu professionnel, mais elle doit être prescrite par le service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse.

Textes de référence

Articles R. 412-19 à 47, L. 411-4 à 11, L. 412-1 à 4, L. 412-10 à 18, L. 382-38 à 49 et L. 324-6 à 12 du code pénitentiaire ; articles R. 124-3, R. 124-46 à 50 du code de la justice pénale des mineurs
Décrets n° 2022-655 du 25 avril 2022 , n° 2022-917 du 21 juin 2022 et n° 2023-1169 du 12 décembre 2023